Blase, peinture à l’huile un tantinet blase-phématoire

Article de Céline Cossez pour TAFMAG

 

Blase efface la frontière entre ce qui est d’hier, d’aujourd’hui et ce qui restera demain. De vieux tableaux poussiéreux délaissés par leurs propriétaires et acheteurs obtiennent une seconde vie sous la main du contemporain qui respecte la technique du peintre original. Mais pas seulement… Je suis invitée dans le Nord de Paris avec l’homme qui ne dévoile jamais son visage dans la presse. Sans présentation formelle, on file directement faire des courses pour préparer le déjeuner de midi. Avec Blase, pas de statut interviewé vs journaliste ; on échange seulement librement.

LA PEINTURE ET « SES CONNERIES »

Fils de brocanteur né en Auvergne, Blase est autodidacte : « Je n’ai même pas le bac », lâche t-il. C’est sûrement pour cela qu’il se permet de choisir la peinture : « C’est un art considéré comme prétentieux dans les écoles d’art ou de design ; qui est destiné aux ‘maîtres’ ». L’artiste ne s’embarrasse pas de cette vision élitiste pour aborder ce qu’il considère comme « ses conneries ». L’idée de récupérer de vieux tableaux vient d’un attrait pour ces objets-témoins d’une époque. Pour Blase, ils représentent un ensemble de techniques souvent dévalorisés et c’est assez astucieux d’utiliser ce médium pour dénoncer l’excès de confiance affiché face à l’enseignement des anciens.

Ce qui l’anime, c’est le temps. Blase se force à le prendre pour restaurer chacun de ses tableaux. Rigoureusement, comme une ascèse, il s’attache à suivre les techniques du premier peintre. « Au-delà de la passion de la restauration, j’aime cette contrainte car elle me réapprend la notion de temps », explique Nicolas. Le jeune homme n’a nullement pour ambition de ramener la peinture du 18ème sur le devant de la scène, « c’est mon système à moi, ma façon de fonctionner » précise t-il avant de poursuivre : « Je sors de ma zone de confort à chaque tableau, je me sens vivant ! » Cet asservissement à la technique lui permet de s’en libérer pour pouvoir créer l’élément perturbateur qui réveillera la toile.

DU LARD OU DU COCHON ?

Un enfant sous la soutane d’un cardinal, une casquette de rappeur, un nez rouge, un T-shirt, un vinyle… Après les dizaines d’heures passées devant l’oeuvre, Nicolas trouve le détail subversif qu’il insérera à une scène de chasse en Bavière ou sur le portrait sérieux d’hommes d’un autre temps. « Mon postulat en tant que peintre, c’est de peindre des choses qui ne se voient pas. Ou du moins, pas tout de suite. C’est bizarre non ? » s’amuse-t-il. Provoquer l’hilarité, la perplexité, la colère ou même l’hystérie, voilà ce qui intéresse Blase. Et, lorsque la surprise est là, la réflexion commence : c’est du lard ou du cochon ? « J’aime qu’on se demande en voyant mes tableaux si c’est sérieux ou si on se fout de ta gueule ».

Ces idées ont souvent un lien avec le monde ou l’actualité. Un des postulats d’une activité artistique, c’est de réunir sur un support les enjeux de l’époque. « Tu ne peux pas échapper à ta temporalité », affirme le peintre. En témoigne cet immense tableau représentant un homme vêtu d’un pagne et d’une ceinture d’explosif. « J’avais cette idée en tête depuis longtemps. Et puis trois jours avant les attentats de Charlie, Cabu est rentré dans la galerie pour me proposer du travail… Après le 7 Janvier, il était nécessaire pour moi de réaliser cette idée ». Avec simplicité, Blase cherche à réinsérer une liberté de ton, une prise de risque dans son art tout en étant suffisamment élégant pour plaire au plus grand nombre.

« Je te parle à toi, spectateur, pas à une posture de toi, pas à une caricature », proclame l’artiste. Le message ? Pas besoin de lire un livre avant de regarder une peinture. Il suffit de poser un regard vrai sur la toile. Et de s’amuser. Le côté subversif, c’est moins pour brouiller les pistes que pour montrer que selon lui, les principes de pensée sont trop réducteurs dans une vie faite de paradoxes.

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